PATRIMOINE

Barrages du Beaufortain : l’histoire épique de la Girotte

Dans ce massif où l'eau cascade de toutes parts, les barrages ont trouvé leur royaume. Parmi les quatre ouvrages hydro-électriques aménagés ici, celui de la Girotte n'est pas le plus connu, mais sûrement le plus étonnant. Il fascine par son esthétique, la teinte photogénique de son lac de retenue, mais aussi son histoire agitée au fil d'un chantier de longue haleine. Direction le hameau de Belleville dans la vallée d'Hauteluce.

A l’origine d’une énergie naturelle : la « houille blanche »

Avant d’être un barrage, la Girotte est un lac naturel situé à 1.724m d’altitude, au pied du cirque des Enclaves. Ce réservoir d’eau est mis à profit dès 1904 pour alimenter l’activité hydroélectrique en plein essor dans le massif du Beaufortain. Des centrales – Venthon, Queige, Dommelin, Villard – ont poussé le long du Doron. Elles produisent l’énergie nécessaire aux industries du papier, puis de la métallurgie. Percé une première fois au début du 20ème siècle, puis une seconde fois en 1923, le lac va permettre de régulariser l’alimentation en eau des centrales.

Malgré tout, il peine à alimenter le réseau. Paul Girod, qui a fondé la société des Forges et Acieries d’Ugine, décide d’en augmenter la capacité. Dans un premier temps, des captages sont réalisés au-delà du bassin versant du lac pour abonder son alimentation. Jusqu’au glacier de Tré-la-Tête, sur la commune des Contamines, dont les eaux de fonte sont dérivées ici par une galerie de 5 km.

Une construction-défi

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les Acieries d’Ugine projettent d’augmenter la capacité de stockage de la Girotte par la construction d’un barrage qui va surélever son niveau. Le chantier est lancé en 1942. Une armada d’ouvriers, pour la plupart d’origine italienne ou russe, débarquent sur le site. Ils vont y travailler, été comme hiver, dans des conditions parfois difficiles.

« Il [le chantier du barrage de la Girotte] a eu quelque chose de particulier : c’est qu’il était en altitude et qu’il n’y avait pas d’accès routier et troisièmement que c’était pendant la guerre : donc ça a beaucoup contribué aux difficultés de ce chantier. »
Jean Monin, employé sur le chantier du barrage, in « L’hydroélectricité dans le Beaufortain et la Bâthie : une aventure humaine », Fondation FACIM.

Principale difficulté : la pénurie de matériaux et notamment d’acier. L’ingénieur en charge du projet, Albert Caquot, tire parti de cette contrainte pour créer un ouvrage inédit. Le barrage de la Girotte sera construit en béton uniquement, sans armature métallique, selon la technique des voûtes multiples. « Albert Caquot a imaginé un barrage qui associe deux techniques : les piles et les voûtes. Chaque segment de deux piles et une voûte constitue un barrage » précise Martine Viallet-Detraz, guide-conférencière qui propose des visites régulières de la centrale de Belleville. Côté aval, l’impressionnante muraille pourrait offrir le décor naturel d’une série d’anticipation. Ce géant de béton nous domine de 50 mètres de haut sur 510 mètres de long. A l’amont on découvre les formes dodues de ses voûtes qui retiennent une eau bleu laiteuse.

Une base de la résistance

Chantier isolé, considéré comme prioritaire par les autorités allemandes qui ont classé les Acieries d’Ugine comme activité essentielle, le barrage de la Girotte est le site parfait pour abriter un foyer de la résistance. Sous la direction du capitaine Bulle, une centaine d’hommes, fuyant le STO, intègrent l’effectif du chantier sous de fausses identités. Ils forment le maquis du Beaufortain, qui sera actif jusqu’à la libération d’Albertville. Roger Frison-Roche, écrivain alpiniste, ravivera la mémoire de ces résistants dans son roman « Les Montagnards de la Nuit » (éditions Arthaud, 1968).

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