Beaufort : le fruit commun du Beaufortain
Un terroir, son fromage. Mais l'inverse est tout aussi vrai, tant beaufort et Beaufortain sont intimement liés. Le beaufort tient ses saveurs de la nature généreuse du Beaufortain, et le Beaufortain soigne ses paysages grâce au labeur des agriculteurs. Alors que la Coopérative Laitière a désormais plus de soixante ans, nous sommes allés à la rencontre d'éleveurs sur les terres du “prince des gruyères”.
En alpage aux Saisies
Depuis le col de la Lézette aux Saisies, un sentier facile conduit en dix minutes à l’alpage de Plan Prériot. Les vaches, de race abondance pour la plupart, pâturent tranquillement leur « repas ». C’est ainsi qu’on nomme les parcs clôturés, qui sont déplacés tout au long de l’été pour offrir une herbe haute au troupeau. Plan Prériot est le domaine de deux femmes, Carole et Marie-Laure Chamiot-Clerc. Elles sont associées en GAEC (société agricole) et ont repris l’exploitation de leurs parents. Une entreprise bien installée, entre la ferme d’Hauteluce et cet alpage de cinquante hectares avec vue sur le Mont-Blanc.
« Je me suis dirigée vers des études agricoles sans me poser de questions. Prendre la suite de mes parents me paraissait naturel » assure Carole.
En s’associant, les deux sœurs se soutiennent mutuellement et s’autorisent une vie de famille presque normale. Le soir, elles retrouvent le cocon familial du village, laissant le chalet d’alpage sous la garde de leurs parents. Car pour eux, il est impossible de renoncer à la vie d’altitude en été.
A la ferme à Beaufort
Yannick Blanc et Angélique Gardet sont des éleveurs atypiques dans ce Beaufortain où les fermes se transmettent de père en fils. Ils sont partis de rien pour construire leur exploitation. Yannick a bien donné un coup de main à ses grands-parents qui possédaient quelques vaches, mais ses parents avaient choisi une autre voie. L’activité agricole ne faisait plus partie du patrimoine familial. « Pourtant, j’avais la passion de l’élevage. J’ai commencé les saisons en alpage comme employé à l’âge de 16 ans » raconte Yannick.
Puis germe l’idée de créer son entreprise. Il piste les fermes délaissées, trouve des terrains agricoles à louer à Beaufort, puis à Queige, et surtout, le Graal de tout éleveur de montagne : un alpage. C’est au col de la Cicle, au-dessus du barrage de la Gittaz, qu’il prend ses quartiers d’été avec son troupeau. « L’alpage étant à plus de 2.000 m d’altitude, les premières saisons étaient courtes. Mais petit à petit, on a trouvé des terrains un peu plus bas pour transhumer plus tôt dans la saison ».
Le troupeau s’est monté au fil du temps, des abondances et des tarines à parts égales. Qui bientôt trouvent abri dans un nouveau bâtiment agricole, construit aux portes du village de Beaufort. « Avec le bâtiment d’exploitation, on voyait mieux où on allait. On pouvait garder nos vaches l’hiver et stocker le foin fauché sur nos terrains, qui fournissent 80% de nos besoins en fourrage ». La nouvelle ferme comporte donc une étable pour une quarantaine de vaches, la grange et la partie habitation.
« Aujourd’hui, dans le Beaufortain, on a sûrement l’exploitation la plus endettée. Il a fallu monter le cheptel, acheter le matériel, l’alpage, construire le bâtiment… mais on n’a pas de regret, on est chez nous ! » se réjouissent Yannick et Angélique.
S’ils sont fiers du travail accompli et de servir une filière de production d’excellence, Angélique et Yannick pensent déjà à l’avenir. Leurs enfants, Justine et Bastien (8 et 11 ans), sont trop jeunes pour s’imaginer une vie à la ferme. « Mais ils aiment participer aux travaux de la ferme et surtout, ils attendent avec impatience le retour à l’alpage ». Un bon signe !
Beaufort : une filière d’excellence
Le lait produit par nos éleveurs rejoint celui des cent vingt trois exploitations sociétaires de la Coopérative laitière du Beaufortain. Un modèle d’organisation agricole, créé en 1961, pour sauver une activité laitière moribonde dans le massif. Construire une filière de production fromagère de qualité, améliorer les conditions d’exploitation en montagne, valoriser et faire connaître ce fromage au-delà du marché local : la tâche est colossale. Et en 1968, la filière beaufort traduit ses engagements dans une AOP (Appellation d’Origine Protégée).
L’AOP, c’est d’abord un cahier des charges très exigeant. Du territoire de production aux conditions d’affinage, de nombreux critères viennent cadrer le travail des éleveurs et des ateliers de production. Ainsi, la zone de production est délimitée au Beaufortain/Val d’Arly, à la Tarentaise et à la Maurienne. Les races adoubées sont la tarentaise (ou tarine), une petite vache au sabot montagnard et à la robe pie, et l’abondance, une belle plantureuse aux yeux cerclés d’acajou. A quoi s’ajoutent des critères définissant l’alimentation du bétail, le temps de pâturage extérieur, la traite, la transformation du lait en beaufort, etc.
L’ensemble de ces mesures a permis, non seulement de relancer la filière de production du beaufort, mais aussi de sauvegarder l’activité agricole dans le Beaufortain. Et avec elle, la qualité des paysages. Les agriculteurs du massif sont les artisans obstinés de l’entretien des paysages. Ils fauchent les terres de fond de vallée et leurs troupeaux pâturent les alpages, parfois jusqu’à haute altitude. Pas question de laisser la friche s’installer. Des espaces ouverts, bucoliques accueillent le randonneur ou le vététiste. A nous de les respecter en restant sur les sentiers et parcours tracés, pour un plaisir partagé de la montagne.
A voir, à faire
La Coopérative Laitière du Beaufortain à Beaufort est ouverte toute l’année. Un circuit de visite en accès libre permet de découvrir l’histoire et les secrets de la fabrication du beaufort. Projection du film « Au pays du Beaufort » et visite commentée des caves d’affinage selon programme. Plus d’infos
La Fête du Beaufort. Chaque 15 août, la station des Saisies organise sa Fête du Beaufort. Fabrication devant le public, animations traditionnelles et dégustation des produits locaux rythment la journée. Plus d’infos
Les visites de fermes. Plusieurs exploitations d’Arêches-Beaufort ouvrent leur porte au public et proposent des visites commentées, dégustations des produits de la ferme. Plus d’infos
Les visites en alpages. La Fondation FACIM propose chaque été des rencontres avec des alpagistes. Visites commentées en duo par un guide conférencier et un alpagiste, dans les différents massifs de l’AOP Beaufort. Plus d’infos.