PATRIMOINE

Barrages : les géants du Beaufortain

Ces colosses des montagnes, prouesses d'architecture, agglomérats de tonnes de béton, parfois édifiés dans la douleur, font aujourd'hui partie intégrante des paysages du Beaufortain. A tel point qu'on ne retient que leurs étendues d'eau, calmes et apaisantes, au cœur des verts alpages. On vous raconte ici l'histoire, petite et grande, des barrages du Beaufortain. Mais aussi le formidable pouvoir de séduction de ces ouvrages sur les visiteurs du territoire.

Plus de 100 ans d’activité énergétique dans le Beaufortain

Le Beaufortain et l’hydroélectricité, c’est une saga qui a commencé au tout début du 20ème siècle. Une révolution industrielle s’empare du bassin d’Albertville, où s’implantent les premières usines d’électro-métallurgie. A l’initiative de Paul Girod, fondateur des Forges et Aciéries d’Ugine, les torrents du Beaufortain alimentent des centrales qui transforment la force du courant en électricité. On ne parle pas encore d’hydroélectricité, mais plutôt de « houille blanche ». Le chanoine Joseph Garin notait dès 1939, bien avant la construction des grands barrages : « Il n’existe sans doute pas de pays où la houille blanche ait été aussi heureusement aménagée que dans le Beaufortain » (1).

La Girotte est le premier barrage à sortir de terre, avec la fonction simple de surélever un lac naturel existant. Construit dans des conditions épiques, il est mis en service en 1949. Suivront dans les années 60 La Gittaz, Roselend et Saint Guérin, trois barrages capables de stocker les eaux de fonte et les torrents qui irriguent généreusement la partie Est du massif. Cet ensemble exceptionnel atteint une capacité de stockage de 213 millions de m3. Il alimente la centrale hydroélectrique de La Bâthie après une chute de 1200m. De quoi doter la centrale de La Bâthie, considérée comme le site hydroélectrique le plus puissant de France, d’une capacité de production de 600 mégawatts.

Des aménagements imprimés dans la mémoire collective du Beaufortain

Comme à Tignes, le Beaufortain possède lui aussi son histoire de village englouti sous les eaux d’un barrage. C’est au fond du lac de Roselend qu’a disparu le village du même nom. Un village consacré à l’activité pastorale, et occupé principalement à la belle saison. Il connut pourtant les prémices d’un développement touristique. Un centre alpestre y avait vu le jour dès les années 1920, invitant à la pratique des activités de montagne en vogue à l’époque. Dans son livre sur l’histoire du Beaufortain, le chanoine Joseph Garin observe : « [Roselend] est constitué d’une dizaine de bâtiments : chalets de montagne, caves à gruyère, hôtels et chapelle. Les trois hôtels : Hôtel Coutet, Hôtel du Mont-Blanc, Hôtel Duret, sont déjà insuffisants pour recevoir les nombreux touristes qui viennent visiter ce vallon et s’adonner aux sports d’hiver, lorsque la neige est venue le revêtir d’un manteau immaculé« . Seule survivance de l’ancien village, la chapelle Sainte-Marie Madeleine, à l’abside romane surmontée d’un campanile, fut déplacée sur les rives du lac.

Le barrage est mis en eau le 6 mai 1960, entraînant la submersion du village et de quinze alpages. L’événement laissera des cicatrices qui impriment encore la mémoire collective du Beaufortain. Le barrage de Saint Guérin (1961) et le barrage de La Gittaz (1967) viendront compléter cet aménagement, sans recréer le traumatisme de Roselend. Mais lorsqu’en 1972, EDF veut étudier la réalisation d’une nouvelle retenue sur le secteur de Plan de la Lai, en amont de Roselend, la population se mobilise et rejette fermement le projet. Quatre barrages sur un si petit territoire, ce n’est déjà pas si mal !

Les lacs de retenue : nouveaux spots touristiques ?

Il est un signe, ou plutôt un mot, qui témoigne de la parfaite intégration des barrages du Beaufortain dans le paysage : une fois sur deux, vous entendrez parler de lac et non de barrage. Car ces géants de béton, retenant des étendues d’eau aux couleurs féériques, fascinent. Du bleu laiteux de La Girotte, au vert profond de La Gittaz, c’est une symphonie de couleurs aux mille variations qui s’offre aux visiteurs. Sans parler du second plan, crêtes montagneuses, alpages verdoyants ou forêts sauvages, qui ajoutent encore à la beauté du tableau.

Roselend, le plus vaste

Nouvel élément d’attraction pour les visiteurs, ils deviennent au fil du temps des espaces de sports et de loisirs privilégiés. Si le lac de Roselend a accueilli pendant un temps un centre nautique (Marie Bochet, skieuse multi-médaillée aux Jeux Olympiques, y a même appris la voile !), c’est aujourd’hui un lieu dédié aux loisirs de montagne. Les amateurs de randonnée y trouvent des parcours pour tous niveaux (Grande Berge, la Roche Parstire). Les aventuriers le défient depuis la via ferrata du Roc du Vent. On peut même en faire le tour à VTT.

Saint Guérin, le plus familial

Le lac de Saint Guérin autorise, lui, des activités nautiques. On y pratique le canoé, le kayak ou le paddle, pour peu que l’on s’adresse au prestataire local (pratique en autonomie interdite). Il possède une passerelle himalayenne de 83m de long, passant d’une rive à l’autre pour en faire le tour. Enfin des circuits ont été aménagés pour les enfants, expliquant les principes de l’hydroélectricité de manière ludique.

La Gittaz, le plus sauvage

Le lac de La Gittaz est le point de départ de plusieurs randonnées. Depuis le hameau de La Gittaz, vous grimpez sur le chemin du Curé, une sente vertigineuse taillée dans le rocher. Elle vous mène au chalet de La Sausse puis au col de la Sauce (2.307m). Celui-ci rassemble dans un même point de vue deux lacs de retenue : Roselend et La Gittaz.

La Girotte, le plus esthétique

Enfin, un peu plus au nord dans la vallée d’Hauteluce, ne manquez pas le barrage de La Girotte. Il sera le point de départ d’une belle randonnée vers le cirque des Enclaves et le joli Lac Noir (2.198m). Au pied du barrage, on peut aussi visiter la Centrale de Belleville, qui turbine les eaux de La Girotte.

(1) Le Beaufortain, une belle vallée de Savoie, Joseph Garin, réédité par la Fontaine de Siloé, 1996.

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